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Lucie Jean

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  • Masterclass - 2019 - session #1

Lorsque j’ai contacté la structure Œideep, je travaillais sur un projet, « Collines charbon » dont les fils s’emmêlaient depuis plusieurs années, seule face à mes images et céramiques, je ressentais le besoin d’un regard extérieur, d’un contexte de recherche et d’écriture. La formule du masterclass proposé par Œildeep, rdvs réguliers étalés sur six mois, correspondait exactement. Les quatre intervenants, Laura, Jean-Christian, Stefano et Sonia, tous avec leurs personnalités et regards complémentaires, toujours dans une démarche constructive et bienveillante, pourtant parfois assez loin de mon travail de par leur univers, m’ont fait avancer, me remettre en question, afin de donner forme à ce projet. Un volet solide dans mes différentes étapes de formation continue, car oui artiste-photographe est un métier.

 Enfin, je tiens à remercier ici, très particulièrement Sonia pour son soutien, précieux, il est des attentions comme des tours de magie…

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Collines charbon

Depuis une dizaine d’années, un fil s’étire et se ramifie, s’impose, entre mes différentes réalisations artistiques, un fil de suie.

La même année que mon travail Pluie noire (Kuroï ame, 黒い雨) réalisé au Japon, un hasard m’amène sur une terre défigurée, une forêt de pins tout juste incendiée, au Nord de la Corse. J’ère au milieu des squelettes d’arbres brûlés, sur ce sol de cendres, traversée par des émotions contradictoires, entre fascination et terreur. Ce que je conjure alors, c’est un souvenir.

Car ressurgit alors la mémoire d’une violente expérience d’un incendie, dans le piège de mon immeuble en feu. Image du face à face avec un mur de fumée en place de ma porte, sans échappée possible, un instant vif et absolu de conscience de sa propre mort, à partir duquel ma perception de la réalité s’est infimement désorientée.

Le charbon. Derrière ces arbres désolés, survivants, lavés par le feu, je vois désormais le charbon. Un paysage cendre, un paysage feu, qui a le goût et l’odeur du feu.

 Questionnant de façon rémanente la notion de paysage depuis de nombreuses années, je réalise à travers cette expérience que c’est à la matière-même du paysage que je désire accéder : à travers des changements d’échelle, des légers vertiges de l’observation, il ne s’agit pas seulement de documenter l’apparence d’un paysage à un instant donné, mais de traverser celui-ci pour accéder à ses particules les plus élémentaires, à leur incessante recombinaison. Un mouvement qui, s’il reste en partie naturel, ne l’est plus seulement : les actions de l’homme sur son environnement ne cessent d’accélérer une altération de la nature, une détérioration du paysage, une véritable évaporation du vivant, qui tend concrètement, à la destruction d’éléments essentiels de la vie sur Terre.

Hélas, l’actualité rattrape désormais mon projet : le feu est partout, immense, dévorant, permanent.

 Après cette expérience inaugurale en Corse, suivront d’autres explorations sur d’autres terres et forêts incendiées (par exemple lors d’une observation de terrain avec un guide forestier du Conservatoire du Littoral du Var, ou encore à la faveur d’une résidence artistique au nord de Valencia en Espagne), dans des moments plus ou moins éloignés du temps de l’incendie. Année après année, ce projet ne cesse de se ramifier à mesure de la découverte d’autres territoires, mais aussi en s’enrichissant d’autres matériaux que la photographie (céramique, bois), ou de différentes techniques (raku, yakisubi 焼き杉).

Une installation globale, photographique et sculpturale, prend forme créant un ensemble de pièces entrant en écho et composant une constellation photographique et sculpturale : Collines charbon.

 Texte de Manuel George et Lucie Jean

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